vendredi 22 février 2008

Ze Loom fait son cinéma !


Grâce à Éléa, Félix et Élie (conception et animation des personnages), voici en exclusivité mondiale le premier vidéo-clip musical classieux et mieux-disant.
Paroles et musique : FZL.

jeudi 21 février 2008

Citoyenneté

Des textes comme celui qui suit, qui circule depuis quelques jours sur le net, on en lit un peu plus chaque jour. Que vive « cette citoyenneté profondément humaine, sincère, dévouée, invisible, muette pour l'instant... »

« Voilà que, non satisfait de la glissade morale effectuée sur la peau de banane Guy Môquet qu'il s'était à lui-même étendue comme carpette, M. Sarkozy prétend « faire en sorte que, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d'un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah ».
Ma fille sera en CM2 en 2013. Elle porte en elle de par la grâce de ses parents la mémoire de ces milliers d'enfants, français et non français, qui au long de l'histoire humaine furent déportés, séparés des leurs, rendus orphelins, esclaves, choses sexuelles, assassinés… sur les cinq continents.
Et qui le sont encore.
Elle porte en elle la mémoire future de ces enfants violemment séparés de leurs parents ou familles, ici, maintenant, en France devant ses yeux de fillette de 4 ans. Elle porte en elle en tant que future femme, citoyenne, lionne au combat, la mémoire de tous ces enfants qu'elle aura vus déportés de son supposé pays de cocagne vers des univers où ils disparaissent, de tous ces enfants qui n'ont pas d'enfance, en Palestine, au Liban,... de tous ces enfants marchandés cyniquement, au nom de l'enfance, au Tchad, ailleurs…
Ma fille porte en elle tout ceci parce qu'elle est vivante. Parce qu'elle a un papa et une maman vivants auprès d'elle. Qui animent son âme autant qu'ils le peuvent de toute l'actualité de leurs combats, à sa mesure de petite fille, en lui apprenant qu'il n'y a pas de différence, entre un enfant blanc et un noir, entre un enfant juif, catholique, sikh, musulman, bouddhiste, que tout enfant a droit au bonheur d'être enfant, dans la douceur de sa famille, les câlins, le jeu, les apprentissages.
Ma fille porte en elle tout cela, et elle ne se verra pas confiée par l'école la mémoire de l'un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah.
Ce travail, qui m'est dévolu en tant que parent, et qu'il n'appartient pas à mon sens au Président de la République de choisir de faire à ma place, je l'élabore dans le respect de mon enfant, et de ce qu'est notre famille.
Il n'y a pas que la Shoah, Mr. le Président. Maints massacres furent perpétrés, maintes mémoires furent et sont encore blessées qu'il vous semble vain d'honorer, maints enfants furent déportés et assassinés, dont vous semblez faire si peu de cas, en d'autres temps tout aussi atroces que celui de la Shoah.
Quel est ce besoin que vous nous démontrez donc là, un besoin de repentance ? Ce mot que vous refusez à tout crin à ceux qui ne vous le demandent même pas, mais qui voudraient juste prononcer le mot de mémoire sans se faire éconduire ?
Qu'allez-vous donc faire dans cette galère ? Quel besoin de s'aplatir dans le vent d'une seule direction, sous les tapis du souvenir d'une seule victime ? Vous nous avez suffisamment dit lorsque cela vous arrangeait que les enfants n'étaient pas comptables des fautes de leurs pères.
Ma fille ne se verra confier par vous la mémoire d'aucun enfant d'une seule confession, d'une seule déportation, d'un seul esclavage, d'un seul massacre.
Ma fille ne sera jamais l'objet de votre manipulation de l'histoire, de l'émotion, du drame humain au service de vos seuls biens et besoins personnels, politiques ou autres.
Elle ne croulera pas sous le poids de votre culpabilité ou de vos obédiences. Elle grandit libre dans sa connaissance de l'autre, des ses bonheurs et malheurs, grands et petits, auxquels nous désirons l'éveiller pour qu'elle puisse partager le poids, plus tard, avec ceux qui souffrent.
Mon enfant, nos enfants, grandissent à présent dans une France dont mes parents, humains généreux s'il en fut, auraient profondément honte. Si ma mère n'était pas morte, elle défilerait aujourd'hui du haut de ses 89 ans, pour vous faire savoir qu'il suffit.
Qu'il suffit de l'outrager.
Qu'il suffit de choisir dans les souffrances humaines celles qu'il vous agrée d'honorer et celles qu'il vous indiffère d'ignorer. Quand ce n'est pas celles qu'il vous arrange de rejeter dans de lointaines poubelles.
Qu'il suffit de gesticuler, justifiant toutes les exactions de la France dans l'Ailleurs en ne supportant pas que l'Ailleurs vienne vivre dans la France.
Qu'il suffit de faire la leçon à des enseignants sur ce qu'il convient de faire partager d'histoire à leurs élèves, alors qu'ils nous font tous les jours partager, à nous parents, la fin de l'histoire d'une éducation nationale que vous rendez exangue.
Qu'il suffit de tuer les familles, je pèse mes mots, en envoyant vos sbires arracher les portes, arracher les affaires personnelles, arracher les êtres de leur travail, arracher les hommes de leur famille, arracher les mères de leurs enfants, ce que vous faites tous les jours, ici, en France.
Quand vous offrirez de la France un autre spectacle aux yeux de nos enfants.
Quand vous cesserez de nous mettre en deuil chaque matin de l'une des qualités d'accueil, de soin, de solidarité, d'éducation, de liberté, d'égalité, de fraternité... qui devraient être la nature, l'essence, la colonne vertébrale de notre pays.
Quand vous vous préoccuperez, aussi, de ce qui se passe dans une salle de classe lorsque les maîtresse malades ne sont pas remplacées, au collège lorsque les adultes si dévoués soient-ils à leur mission, n'y sont pas assez nombreux.
Quand vous proposerez à nos enfants la prise en considération de toutes les souffrances des humains à travers l'histoire, sans quantification, sans classification.
Quand vous nous aiderez véritablement à les construire dans le respect de l'autre sous les yeux d'une République exemplaire.
Quand vous tiendrez vos promesses de protéger tous les opprimés, toutes les femmes opprimées, tous les déshérités, tous les enfants déshérités...
Quand vous ferez véritablement preuve d'un courage révolutionnaire et visible en cessant les exactions, en ramenant vos chiens.
Quand vous serez capable de ne plus fabriquer visiblement et incessamment un pathos bien ciblé, d'héroïsme ou de pitié, c'est tout comme, pour dissimuler la déconstruction de l'humain et de l'espoir que vous vous acharnez à promouvoir.
Quand vous serez ce que vous n'êtes pas, quand vous ne serez plus ce que vous êtes.
Je cesserai d'être en deuil de mon pays idéal.
Je cesserai de ne pouvoir plus lire les journaux et de pleurer chaque jour à la découverte des nouveaux nuages.
Un grand mal est toujours suivi d'un grand bien.
La citoyenneté profondément humaine, sincère, dévouée, invisible, muette pour l'instant, s'amplifie chaque jour qui passe avec son lot d'expulsés amis, de justes condamnés...
La réponse à votre action est dans cette résistance contre laquelle vous ne pouvez strictement rien.
La pensée et le coeur sont irréductibles.
Ma fille se construit, comme bien d'autres enfants, par la grâce d'adultes conscients de leur devoir d'"êtres au monde" parmi d'autres "êtres au monde".
Ces enfants seront des adultes, nombreux et imperturbables, des lions, auxquels il incombera de développer à une échelle jamais vue les valeurs de beauté et de bonté de la vie, pêchées dans le meilleur de chacune de leurs origines, passées au tamis du métissage, cimentées entre elles par la liberté et l'empathie réunies.
Vous ne sauriez apprendre à mon enfant cela que je choisis de lui apprendre.
Son espoir et sa force sont entre les mains de son père et de sa mère. »

Claire M, le 14 février 2008

jeudi 7 février 2008

Les jours heureux

La littérature surgit parfois où ne l'attend pas. Mon pote Pierrot, bassiste et néanmoins ami, s'est fendu aujourd'hui d'un mail charmant, au sens propre, juste pour raconter deux jours passés du côté de Bordeaux. Là-dessus, j'apprends par la radio que Nicolas Sarkozy s'effondre dans les sondages. Rien à voir entre ces deux petits événements mais ça fait deux raisons de se réjouir et, pour fêter ça, ni une ni deux, je copie-colle un article paru hier dans Le canard enchaîné (signalé par le blog de Lucky et repris par Rezo.net) et qui, s'il rapporte des propos plus qu'inquiétants, me laisse bizarrement persuadé que tout ça ne va pas durer éternellement (dans le genre optimiste con, j'ai toujours fait assez fort).

“A bas les jours heureux !”

C’est le genre de choses qu’on laisse passer, à force. Il y en a tellement. Ils sont tellement « décomplexés »… La première fois, c’était en octobre dernier. Denis Kessler, ex-mao passé au capitalisme financier, ancienne éminence grise du baron Seillière lorsque celui-ci pilotait le Medef, lâchait cette mâle déclaration de guerre : « II faut défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. » Qu’est-ce qu’elle venait faire là, la Résistance ?

Kessler s’en réjouissait : au fond, les différentes réformes engagées par Sarkozy, disait-il, « peuvent donner une impression de patchwork », mais « on constate qu’il y aune profonde unité à ce programme ambitieux » : défaire ce qu’ont fait les résistants, justement. Cette provoc’ avait fait quelques vagues, sans plus.

Et puis la semaine dernière, Charles Beigbeder a remis ça. Dans une tribune au JDD (27/1), le pédégé de Poweo a affirmé, l’air de rien, que selon lui le rapport Attali permettrait enfin d’en finir avec cette France « qui continue à vivre sur un modèle fondé en 1946, à partir du programme du Conseil national de la Résistance ». Tiens, tiens. Lui et Kessler, même combat. Charles Beigbeder, le prototype du jeune loup moderne. L’homme qui veut tailler des croupières à EDF en vendant de l’électricité privée aux Français.

Il avait un beau titre, le programme des résistants : « Les jours heureux ». On comprend qu’il faille en finir d’urgence. Il était le résultat d’un compromis né entre tous les mouvements de résistance luttant contre l’occupant et les principaux partis politiques, dont le PC. On comprend que cela paraisse aujourd’hui insupportable. Il affichait de hautes ambitions. Entre autres, « la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ; un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat ; une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

Insupportable, non ? On y trouvait d’autres projets complètement fous. Les résistants rêvaient que les enfants français puissent « bénéficier de l’instruction et accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents ». Affreusement égalitariste !

Ils voulaient aussi que soit assurée « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent ». On comprend que ça énerve. Et aussi « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». Complètement ringard, non ?

On remercie MM. Kessler et Beigbeder de nous avoir annoncé franchement la fin des beaux jours, prévue pour l’après-municipales.

Jean-Luc Porquet

Le Canard Enchaîné, 6 février 2008, page 5.